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Quatre ans après la parution du bigarré et percutant Septentrion, Anodajay rebondit avec ET7ERA, un troisième compact sous le signe de la variété et de l’introspection. Si l’attente fut particulièrement longue, c’est que Steve Jolin, l’homme derrière le pseudonyme, a mis sa carrière de rappeur en mode pause pour faire croître son label, 7ième Ciel. « Les deux premières années après la sortie de Septentrion, j’ai été sur la route. Puis ensuite, j’ai mis mes projets artistiques personnels de côté pour me concentrer sur la production, la réalisation et la mise en marché. Ça m’a pris beaucoup de temps et ça m’en prend encore aujourd’hui. Ce n’est pas nécessairement par choix que j’ai mis des choses de côté, mais j’étais tout simplement débordé. Il a fallu que j’attende un peu, que je laisse retomber la poussière pour travailler sur de nouvelles chansons, » avance-t-il, animé.

Une fois de plus épaulé par son fidèle comparse, Félix-Antoine Leroux (alias DJ Horg), le rappeur abitibien accouche d’un album à la réalisation soignée, aux grooves funky diablement efficaces et aux arrangements encore plus recherchés. « J’ai énormément appris depuis le dernier album. Ayant eu la chance de travailler comme réalisateur sur les projets des gens de mon label, j’ai pris de l’expérience. Je m’étais fixé des attentes et des objectifs précis pour ce disque. En ce qui concerne la réalisation, la production et la prise de son, je souhaitais sentir une évolution évidente. C’était primordial d’aller de l’avant et de faire tout ce dont j’avais envie. Ayant réalisé d’autres albums, je savais précisément ce que je souhaitais et ce que je ne souhaitais pas, » estime-t-il.

Poète du quotidien, Anodajay signe des textes incisifs et plus personnels que jamais sur ET7ERA. « Je ne cherche jamais trop loin pourtant. J’ai une nécessité de dire les vraies choses, sans détour. On rappe ce qu’on est dans le fond, et moi, je rappe sur ce qui m’entoure. C’est mon état d’âme que je mets sur papier. L’évolution de mon label, l’arrivée de mes enfants, tout ça a modifié ma perception de la vie et de l’industrie musicale. Je ne suis plus un être centré sur lui-même. Tant au niveau familial qu’artistique. Ça a aussi modifié ma façon de composer. Aujourd’hui, j’aime mieux écrire des textes sur de la musique que le contraire, » explique-t-il.

Petit label devenu grand

Fondateur de l’étiquette 7ième Ciel en 2003, Jolin souhaitait ainsi faire les choses à sa manière, éviter toute concession et, surtout, ne pas dépendre des autres pour avancer, la tête haute. Aujourd’hui, le jeune homme est heureux d’avoir osé. « En 2002, je préparais mon premier album (Premier VII) et je magasinais les maisons de disques à Montréal. À l’époque, la cote du hip-hop avait dramatiquement chuté. C’était après le règne de Dubmatique. De plus, le hip-hop est un mouvement urbain et j’étais un rappeur de Rouyn-Noranda. Disons que ça ne m’aidait pas. Je voyais que les choses n’avançaient pas à mon goût et je ne voulais pas attendre après les autres. C’est à ce moment que l’idée de fonder un label m’est venue. J’ai voulu apprendre sur le tas et c’est précisément ce que j’ai fait. Ça m’a permis de toucher à tout : de la mise en marché jusqu’à la production, » raconte-t-il, fièrement.

À la suite de rencontres déterminantes avec Samian, Dramatik et Koriass (qui l’ont tous rejoint sur son étiquette), l’homme savait que son petit projet prenait de l’ampleur. Professeur d’éducation physique au secondaire, Jolin s’est accordé une année sabbatique pour se consacrer exclusivement au développement de son label. « Je planifie quelques voyages à l’étranger pour voir s’il y a des occasions d’affaires. J’essaie d’élargir mes horizons. Je n’ai pas d’objectifs ou d’attentes envers mon label, mais je veux prendre le temps de bien faire les choses et prendre une année off était nécessaire. »

Histoire de famille

Après s’être entouré de Boogat, Accrophone, Muzion et Raoul Duguay pour son opus précédent, Anodajay souhaitait cette fois-ci rendre les sessions d’enregistrement plus… familiales. « J’aime m’entourer de gens avec qui je m’entends bien et je ne voulais pas inclure trop d’invités sur l’album. Rien de surchargé. Les seuls rappeurs que je souhaitais rassembler étaient les gens de mon étiquette : Samian, Dramatik et Koriass. Ainsi, je les ai réunis sur une seule chanson. Je voulais que ça sonne comme si c’était un groupe. Ça a donné “Le 7e régiment”, une chanson rassembleuse qui parle du combat que l’on mène jour après jour dans cette jungle qu’est le hip-hop. »

En plus de préparer une escale en France, Anodajay souhaite promener le spectacle Sept ans de 7ième Ciel (présenté au FME et aux FrancoFolies) aux quatre coins de la province tout en échafaudant tranquillement le prochain album de Koriass qui devrait voir le jour le printemps prochain. S’il est satisfait du chemin parcouru jusqu’à ce jour, il considère qu’il reste de nombreuses batailles à gagner. « Il faut cesser de penser que le hip-hop est une musique de jeunes. Si on ne brise pas cette catégorisation, les artistes auront énormément de difficulté à se sortir la tête de l’eau. Si tu ne tournes pas à la radio, tu ne peux pas vendre de disques. C’est un cercle vicieux. Il y a encore beaucoup de préjugés face au hip-hop. C’est un perpétuel combat. Moi, je me bats et je vais continuer de me battre seul. »