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Contrebassiste autodidacte, Alain Bédard voit le jour à Beauport. Formé en musique classique à l’UQAM, il amorce une carrière de musicien au cours des années 1980. C’est vers la fin des années 1990, alors qu’il travaille à l’UQAM comme conseiller à la collection CD-UQAM (un petit label créé par l’université afin de promouvoir des projets de professeurs et d’étudiants) que l’idée de fonder un label jazz lui effleure l’esprit. « Personne ne s’occupait des projets de musiciens québécois et des gens de l’underground. On présentait des projets aux principales compagnies et ça ne fonctionnait jamais. J’ai pris de l’expérience en partant de petites collections internes à l’université et je me suis occupé de sonorisation dans une salle de spectacles où l’on présentait des concerts jazz. Les musiciens passaient au club et me racontaient que ce serait bien que je fonde une étiquette jazz. J’ai fini par démarrer un petit collectif et de fil en aiguille, le label a pris son envol, » raconte le musicien et éditeur.
Et quel envol ! Depuis la fondation d’Effendi Records (titre d’une pièce du pianiste américain McCoy Tyner) en avril 1999, le label jazz a fait paraître, en moyenne, une dizaine de nouveautés par année, en plus de remporter trente prix prestigieux. Aujourd’hui, il est devenu une véritable référence en matière de jazz local contemporain. Pourtant, les sceptiques furent nombreux lors des premiers balbutiements de l’étiquette. « Les journalistes écrivaient qu’on était fous de démarrer cette entreprise. C’était terriblement risqué, casse-cou. Tous pensaient qu’on allait se planter. D’autant plus qu’on misait sur de la musique originale, des créations. Finalement, on est l’un des seuls labels de jazz à avoir survécu ! Au fil des ans, les ventes ont augmenté. L’an dernier, on a atteint notre plus important chiffre de vente et cette année, j’espère qu’il augmentera encore ! » lance Bédard, la voix vibrante.

Si les choses tournent rondement au cours des premières années d’activité du label mis sur pied par Bédard et sa compagne, la chanteuse Carole Therrien, ce n’est qu’en 2002 que les Éditions Effendi naissent, et ce, après une funeste découverte. « Aucun musicien n’avait déclaré ses œuvres. Il y avait un sérieux problème. Je savais qu’il était possible d’aller chercher des revenus supplémentaires et c’est à ce moment que j’ai décidé de mettre sur pied des éditions. Depuis, on déclare les œuvres et on a effectué de nombreux contrats d’édition et même de sous-édition en France. » En effet, en plus de placer de la musique sur des projets en collaboration avec des bibliothèques et des musées, les Éditions Effendi ont prêté des titres à des pièces de théâtre, des projets de danse et même des extraits sonores diffusés à bord des avions d’Air France.

Bourreau de travail

En plus de vaquer à ses fonctions de président et fondateur du label Effendi, de jouer des rôles de chef d’orchestre, réalisateur, musicien et compositeur, Bédard se révèle aussi l’instigateur du festival Jazz en rafale. Beaucoup de chapeaux à porter pour un seul homme. « Je travaille six jours par semaine ! Il n’y a pas d’autre recette pour arriver à tout faire. Je ne compte pas les heures de travail. Je commence tôt le matin et je termine vers minuit. Comme je suis aussi musicien, parfois, j’ai des concerts les fins de semaine. Même si je suis plus souvent au bureau que sur une scène, je travaille toujours la composition. C’est une façon pour moi de relaxer et ça se fait assez naturellement. Dès que j’ai un moment de libre, c’est ce que j’aime faire. Je ne pourrais m’en passer, » avoue-t-il.

Période de transition

Malgré les difficultés économiques et l’industrie du disque qui s’étiole depuis quelques années, Effendi ne montre pourtant pas de véritables signes d’essoufflement dans un proche avenir. Après la faillite de son distributeur principal en 2008 (Fusion III), l’entreprise s’est courageusement relevée et n’a jamais regardé en arrière. Carburant à la passion jazz, Bédard compte toutefois faire paraître un peu moins d’albums à compter de l’an prochain, et ce, à cause de coupures du Conseil des arts du Canada. « Il va falloir gérer nos projets d’une façon différente. Quand ça va mal, les gens se serrent les coudes et travaillent plus étroitement. On va peut-être miser davantage sur les éditions et tenter de placer des titres dans des films, des productions audio-visuelles. Les distributeurs ont mangé leur claque. Sur notre site Web, on peut télécharger nos disques. Les choses changent. On est devenus, en quelque sorte, les distributeurs. On vit une période de transition et on va faire les choses un peu différemment car il va falloir ouvrir de nouvelles portes. Cela nécessite une collaboration encore plus étroite avec les musiciens, mais on va continuer de sortir des projets à un rythme régulier, » assure-t-il.
Renfermant approximativement 1200 titres à ce jour (et 100 albums enregistrés sur le label), le catalogue d’Effendi continuera de croître lentement mais sûrement. On permettra à des musiciens tels que François Bourassa, Michel Donato, Yves Léveillé, Yannick Rieu et Jean-Pierre Zanella d’enregistrer des projets pour le label. Alain Bédard : « Ce n’est pas l’industrie qui m’intéresse mais bien la musique, l’aspect créatif et les gens. Depuis qu’on a démarré l’étiquette, les musiciens se sont incroyablement améliorés, tant sur le plan de la scène que de la composition et de leur organisation. Ils auront toujours quelque chose à dire et nous serons à tout jamais en étroite relation avec eux. »