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Déjà un troisième album pour David Muipatayi, alias ZPN, le rappeur d’origine congolaise installé en Outaouais. Première classe en mène large, autant par la variété des thèmes abordés que par son enrobage musical sophistiqué et parfois plus proche du R&B ou des rythmes africains que du rap pur et dur. À noter que la moitié des musiques sont signées Jason Quenneville, alias DAHEALA, qui a composé entre autres plusieurs musiques pour des hits de Massari.

Élevé surtout en France, David arrive au Québec à la fin de l’adolescence, rejoignant un de ses frères déjà installé dans la région de l’Outaouais. Après des études collégiales, et attiré par la musique, il entend parler de l’Association des professionnels de la chanson et de la musique (APCM), qui lui suggère de se faire connaître par un concours de chanson. Et le voilà qui se retrouve seul rappeur au concours Tout nouveau, tout show, édition 1999. « Ça faisait drôle, je me produisais entre des concurrents qui faisaient dans la pop ou le folk, tout un contraste! » Des titres comme « Je danse la vie » et « La dernière tentation » lui font remporter deux prix, dont celui du public. Ses influences à l’époque? Des rappeurs français comme Mc Solaar, dont il a étudié minutieusement pour ne pas dire décortiqué l’écriture.

Afin de perfectionner son anglais, ZPN s’installe à Toronto en 2000, tout en continuant à faire carrière dans l’Outaouais et le circuit franco-ontarien. Ses deux premiers albums, distribués par l’APCM et SELECT, se vendent à plusieurs milliers d’exemplaires, et le rappeur devient vite un habitué des festivals et des différentes vitrines comme Contact ontarois. C’est là qu’il rencontre plusieurs artistes qui deviendront des collaborateurs sur Première classe, notamment DAHEALA, Joseph Ameni (Jos DaGreatest) et Michel Bennac (Swing).

Ainsi, dans l’inspirante « Debout », sa collaboration avec Bennac, on assiste à une amusante fusion entre le style néo-trad qu’on associe habituellement à ce dernier et le hip-hop. « De toutes façons, je me sers de tout dans mes chansons. Je fais une fusion de toutes mes influences, que ce soit mes racines africaines, les musiques que j’écoutais dans mon enfance en Europe, ou ce que j’ai découvert ici, grâce aux artistes avec qui j’ai sympathisé. »

Très loin de l’image du « gansta rap » à pochette d’album avec avertissement Attention- contenu explicite, ZPN propose des textes au ton mesuré et une image plus proche de celle d’un chanteur de charme que d’un rappeur à l’américaine. « Il y a trop de stéréotypes dans le rap. Le hip hop est une culture. J’ai voulu briser ce mythe du ganster rappeur. Plus jeune, je suis tombé dans cette stupidité de dire qu’un groupe comme Loco Locass, ce n’était pas de vrais rappeurs. Avec la maturité, j’ai changé. Si on utilise ce style musical qu’est le rap, peu importe comment on s’habille ou de quoi on parle, on est rappeur! »

Son enfance privilégiée, même s’il a connu des années de galère lors du divorce de ses parents, son statut de jeune père de trois enfants, la maturité, sans compter sa spiritualité, tout l’éloigne de l’univers violent décrit et glorifié par d’autres artistes rap. « J’expose des injustices, je parle des problèmes vécus partout dans le monde, mais je n’ai pas eu une enfance dans les ghettos, et je ne peux pas vanter des choses que je n’approuve pas. Je ne peux pas inciter à la drogue, au meurtre… Mon exemple est Gandhi, qui a su tenir tête au pouvoir avec son côté humain. Par contre, je n’ai pas l’impression que l’humanité progresse. Je fais des constats, mais je n’ai pas la solution. »

Ambivalent, ZPN? Indéniable, par exemple lorsqu’il dit dans sa chanson « Il y a trop d’artistes » : « Désolé, j’suis allergique aux costumes cravates », alors même que la pochette et le livret de l’album le montrent avec une allure très chic, en costume cravate. La clé de ce paradoxe est peut-être dans son ambition de devenir un jour homme d’affaires : « Mon objectif serait d’avoir une maison de disques pour les rappeurs de ma région. Il y en a beaucoup qui ont du talent, et j’aimerais maintenir la culture du hip hop chez nous. »

Conscient que la vie est brève, le trentenaire veut aussi consacrer son énergie à quelque chose en lequel il croit, comme l’amour, particulièrement de ses enfants (voir son émouvant « Le temps passe », où on peut entendre son petit Makya, âgé de cinq ans), des femmes (« Pour la femme »), ou de tous ceux qui souffrent (« Que Dieu bénisse »).

Pas étonnant que ZPN soit si populaire dans le circuit franco-ontarien des centres culturels et écoles secondaires, où des centaines de jeunes et moins jeunes pourront l’applaudir cet automne. Et même si les marchés québécois et européen sont plus encombrés – et donc plus difficiles à percer – le rappeur n’en est pas découragé. « Je me disais en écrivant cet album que ce serait mon dernier. Mais j’ai encore des chansons en moi. » Et l’attitude qu’il faut pour les faire voyager… en première classe!