Lorsque Kilojules et Roboto (tous deux membres de Misteur Valaire) claquent la porte de la Patère Rose à l’automne 2010, ils ont forcé la chanteuse Fanny Bloom à se retrousser les manches. « Si le groupe s’est séparé, c’est qu’on était toujours en train de gérer nos horaires plutôt que de s’amuser, partir en tournée et monter sur des scènes, explique la jeune femme. Il y avait beaucoup de logistique à gérer au sein de la Patère et tout le monde était essoufflé vers la fin. On voyait clairement que ce n’était plus possible de continuer. Il fallait prendre une décision car il y avait trop de tensions. Après cette séparation, il me fallait un projet auquel m’accrocher. »
Motivée à s’éloigner des sentiers tracés par la Patère Rose, Fanny trouve l’élément déclencheur avec la pièce « Apprentie guerrière », signée Stéphane Lafleur (Avec pas d’casque). Sans le savoir, elle met la main sur une chanson qui deviendra la pièce-titre de son projet. Mitonné avec l’aide de son nouveau partenaire musical, Étienne Dupuis-Cloutier (coréalisateur du EP Waikiki de la Patère), Apprentie guerrière est le résultat d’un an de travail acharné. Avec ses textes sombres (« Mon hiver », « Shit »), ses synthés froids (« Parfait parfait »), son piano lyrique (« Tootles »), son attitude kitsch assumée (« Tes bijoux ») et ses mélodies pop infusées de percussions (« Annie »), ce premier album solo se veut tout en contrastes, plus intimiste que ses productions avec la Patère.
« Ce n’est pas tant l’état de l’industrie de la musique qui m’inquiète, mais plutôt celui de la société actuelle. Il y a des choses épouvantables qui se passent et il va falloir revoir nos valeurs en tant que peuple. »
« Il me fallait prendre une autre direction. C’était un désir profond que j’avais de me démarquer. Ça s’est fait tout naturellement. On est allé à fond dans ce qu’on souhaitait faire avec ce projet. J’ai mené à terme toutes les idées que j’avais en tête. Écrire et chanter de la pop en français représente toujours un beau défi pour moi. Et puis, je n’ai pas travaillé avec les mêmes personnes, donc ça a paru dans le résultat final. C’est plus organique. Je voulais surtout que ça me représente mieux. Et à ce niveau, je considère que c’est réussi, » confie la jeune femme de 26 ans.
Seule au combat
Sensible, romantique jusqu’aux bout des ongles, étonnamment mûre pour son jeune âge, Fanny semble aujourd’hui trouver ses aises en solo. Le temps était venu pour la demoiselle de voler de ses propres ailes. Mais l’aventure comporte aussi son lot de pressions et de responsabilités. « J’avais une grande liberté au sein de la Patère Rose, mais la différence aujourd’hui est que je sens plus de poids sur mes épaules même si je suis bien entourée. Je trouve cet album tout à fait abouti et je suis heureuse du résultat, mais maintenant, il faut l’assumer. Et ce n’est pas évident d’assumer un projet de la sorte toute seule. Je me sens quelque peu prisonnière de mon nom. Car il n’y a que mon nom sur la pochette! Avec un groupe, le poids est réparti entre les individus. Avec ce projet, je sens beaucoup plus de responsabilités, » avance-t-elle.
Afin de satisfaire les vieux fans de la Patère Rose et de nourrir en informations les nouveaux, Fanny, tout comme une multitude d’artistes modernes, mise sur les nouvelles technologies. « Tu sais, je ne sais pas si j’ai réussi le pari de garder les anciens fans de la Patère Rose, il est encore trop tôt pour le dire, mais les réseaux sociaux restent le secret le moins bien gardé pour rester en contact. Il demeure essentiel de continuer à donner de l’info aux gens sur mon projet solo. C’est un devoir pour chaque artiste de le faire. Mais il y en a des pires que moi, des gens qui sont toujours là-dessus! Je me considère relativement sage, » déclare Fanny, un sourire dans la voix.
Présentement au repos, l’apprentie guerrière reprendra du service prochainement alors qu’elle sillonnera la route des festivals à travers la Belle Province. Un temps d’arrêt bien mérité. « La dernière année fut très intense pour moi. Je sens que j’ai besoin d’une pause avant de repartir de plus belle. J’ai envie de regarder ce qui se passe autour de moi. Tu sais, ce n’est pas tant l’état de l’industrie de la musique qui m’inquiète, mais plutôt celui de la société actuelle. Il y a des choses épouvantables qui se passent et il va falloir revoir nos valeurs en tant que peuple. On s’en va vers le gouffre. Ça n’a plus de bon sens. J’espère qu’on trouvera des solutions sinon la fin nous attend. Il faut agir. » Armée jusqu’aux dents et prête au combat, notre guerrière.