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À la veille de lancer un quatrième album (la parution est prévue fin mars), Louis-Jean Cormier et François Lafontaine ont accepté de causer écriture de chansons et de procéder à un petit bilan de l’évolution du clan Karkwa.

 

Depuis Le pensionnat des établis en 2003 jusqu’au nouvel album toujours orphelin de titre au moment de l’entrevue, Karkwa a connu toute une évolution. Déjà, à ses débuts, dans une chanson intitulée « Mélodrame », Louis-Jean Cormier, chanteur-guitariste et principal parolier du groupe, annonçait : « Je n’écris pas pour me racheter/ Je n’écris pas pour te plaire/ Je n’écris surtout pas de belles paroles en l’air ». Sept ans plus tard, est-ce toujours le cas? « Je réalise aujourd’hui combien c’était naïf et maladroit, dit-il en rougissant presque. Mais l’idée que c’est pas de la frime demeure. »

 

À travers les virées en Europe où Karkwa commence à se faire un nom et une réputation, le groupe a pris du temps pour enregistrer ses nouvelles compositions au studio La Frette d’Olivier Bloch-Lainé, copain de Marie-Jo Thério, en procédant autrement que par le passé. « On a connu notre plus grosse vague de pulsion créatrice, confie Louis-Jean. Fallait que ça sorte! Et cet album, c’est vraiment une affaire de band; tous les membres du groupe y chantent, on n’a pas invité de collaborateurs, c’est nous, notre essence. » François (clavier, piano, vibraphone, composition) le voit aussi comme une œuvre spontanée. « Vient un moment où il faut que tu apprennes à désapprendre. Karkwa en est à un stade où faire une grosse pré-production est moins profitable, puisque ça peut figer des éléments qui demandaient à évoluer. On y est allé à l’instinct. »

 

Le goût du bonheur

Tous les artistes en conviennent, écrire sur le bonheur n’est pas une chose facile. Les textes de Karkwa mettent en scène le combat au quotidien de l’humain sensible dans un monde dur, souvent un décor urbain, gris, oppressant. « Sur notre prochain album, le monde reste hostile, mais l’humain va bien, confie Louis-Jean. On a réalisé, en voulant écrire sur des sujets plus lumineux, que le danger de tomber dans quelque chose d’ésotérique et d’un peu hippie nous guettait. » François acquiesce : « Ça devient un défi de faire passer ça; il faut pouvoir assumer. »

 

Depuis les textes moins subtils du Pensionnat jusqu’aux nouvelles compositions, quelque chose s’est raffiné dans le style et la posture d’écriture. On n’a qu’à penser à « Échapper au sort » : au lieu de se faire porte-étendard de la cause des sans-abris, Louis-Jean signe un texte descriptif, tout en images, coiffé d’une finale coup-de-poing qui fait mal, sans se faire moralisatrice. « Oui, c’est notre façon de prendre position. Pour nous, l’engagement social n’est pas un moteur. On aime trop jouer avec le côté vaporeux, on ne pourrait pas se rendre jusqu’à “Libérez-nous des libéraux”, » explique Louis-Jean. « Ces choses-là sont sensibles au Québec, observe François. Ici, soit t’es rouge, soit t’es bleu, choisis ton camp… Y a-tu moyen, des fois, de simplement aborder un sujet qui t’a touché, comme cette histoire du jeune sans-abri retrouvé mort dans un banc de neige, sans tout souligner au marqueur jaune? Je pense qu’en bout de ligne, le message passe mieux comme ça. »

 

Dans cet univers où affleurent les références à la météo nordique, entre rock poignant et planant, Karkwa fait danser les mots. Mais la musique arrive toujours avant le texte : « Ensuite, je m’installe avec un crayon pour remplir les cases!, » dit Louis-Jean. Le groupe contribue en lançant des idées : « Karkwa ne s’est jamais enfermé pour composer; écrire des chansons fait partie de notre vie de tous les jours, ça se fait comme ça, au fil des tournées, dans la van… »

 

Bien que les autres membres du groupe prennent la plume de temps en temps (pensez aux textes imagés de Julien Sagot, « Pili-Pili » notamment) et que la troupe mette en musique d’autres auteurs (comme « Le Solstice », un poème de Pierre Nepveu), Louis-Jean est souvent celui qui manie la plume et joue avec les mots, leur sens et leur sonorité. Lorsqu’on l’entend chanter « Comme les craqués qui dansent » (« Le Compteur ») ou « Cale les délires, Fume les mirages/ Étire l’étau, Fais-toi fêter fort » (« Oublie pas »), on entend tout le plaisir éprouvé lors de la mise en bouche : « C’est mon petit côté Jim Corcoran. Mais il faut faire attention avec ça, je suis en train d’apprendre comment doser les effets. Un jeu de mot, à la base, c’est un peu vide de sentiments. Il ne faut pas que les rimes deviennent lourdes… Parfois, c’est payant de casser la rime et de glisser un gros mot qui clashe. » On attend avec impatience le résultat.