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L’ex-rédacteur en chef de Voir Montréal et toujours chroniqueur littéraire Tristan Malavoy, auteur de trois recueils de poésie et de deux disques de chansons (l’aérien Carnets d’apesanteur, 2006, et le plus organique Les Éléments, 2012), possède un parcours créatif atypique. Épris de la magie des mots depuis toujours, il cultive également une passion pour les mélodies pop, toutes simples, qui s’entêtent à tourner en rond dans la tête. C’est dans l’alchimie de ses univers poétiques et chansonniers qu’il trouve sa place, discrète mais singulière – en adéquation parfaite avec sa personnalité – dans le paysage musical francophone.

Pendant des années, donc, Tristan a eu deux parcours parallèles. Adolescent, dans son coin de pays, à Sherbrooke, il monte régulièrement sur scène avec des amis pour interpréter les tubes de l’heure : Stephan Eicher, Daniel Bélanger, du vieux Dubois et compagnie. Il a aussi développé une trajectoire d’auteur, fréquenté les festivals littéraires. On l’invitait souvent à venir dire ses poèmes sur scène. La musique s’est immiscée progressivement, et ses lectures sont devenues poético-musicales. L’idée d’un enregistrement a germé. Carnet d’apesanteur a été créé. Cet alliage de musique, de poésie récitée et chantée dans un format avec couplets et refrains, très intuitif au départ, est devenu une sorte de signature qu’il pouvait pleinement revendiquer.

En fait, il l’avoue lui-même, dans son œuvre, la voix et les mélodies sont utilisées comme véhicules attractifs de la poésie. Ce sont ses chevaux de Troie pour permettre à la poésie de se ménager une place dans nos quotidiens.« Je suis peut-être un peu emprisonné dans l’image du gars de lettres qui sort de son atelier avec des mots plein la tête et qui va les travailler avec ses amis musiciens, admet Malavoy. Pourtant, la musique est présente très tôt dans le processus. J’ai toujours aimé l’efficacité pop d’un Benjamin Biolay, par exemple. Et même si mes sources poétiques premières sont plus du côté de poètes comme Gaston Miron ou Roland Giguère (NDLR : qu’il revisite sur Les Éléments), un auteur-compositeur français comme Jean-Louis Murat m’inspire aussi beaucoup par ses textes, qui sont de la véritable poésie. Il a réussi de petits bijoux de bonne pop intelligente et lettrée. J’aspire moi-même à créer de petits objets comme ça, qui nous rentrent dans l’oreille sans qu’on le réalise trop. »

En ce sens, le petit dernier de Tristan Malavoy, Les Éléments, s’est enrichi de couleurs pop plus assumées. Au contact du réalisateur Alexis Martin, et avec l’aide de ses autres complices musiciens, Jean-François Leclerc (piano, claviers), Simon Godin (guitares), Yves Labonté (basse, contrebasse), Jean-François Gagnon (trompette) et l’appui vocal de la jeune Amylie, les chansons de Tristan laissent dorénavant passer plus facilement l’émotion, même si son interprétation feutrée se trouve encore à mille lieues des débordements de sentiments bruts d’usage courant dans la chanson québécoise. « Je ne suis pas contre l’idée de faire sentir mes émotions, explique Tristan. Il y a des moments où l’intensité est au rendez-vous, c’est clair. Mais récemment, quelqu’un me disait reconnaître chez moi davantage l’approche brésilienne, plus contenue et feutrée dans l’interprétation vocale, que la tradition québécoise des chanteurs à voix qui s’époumonent. J’ai l’impression qu’au Québec, quand on ne met pas ses tripes sur la table comme interprète, on est tout de suite considéré comme un chanteur de second plan… Ce n’est pas parce qu’on ne hurle pas qu’on est moins bon. Chez moi, ça sonnerait faux. J’aime bien l’idée qu’il reste de la place pour l’émotion de l’auditeur. »

On l’a dit, dans sa « job de jour », Tristan Malavoy est chroniqueur littéraire. Il décortique, analyse, apprécie et juge l’écriture des autres. S’il admet candidement ne pas réagir très bien lui-même aux critiques, il avoue volontiers qu’il a développé « une plus grande acuité de regard pour déceler les faiblesses dans mon écriture ». Il se dit tout de même très éloigné du critique littéraire lorsqu’il se retrouve dans son atelier à jongler sans filet avec les mots et les mélodies : « Autant je peux contrôler mon écriture dans le cadre d’une chronique, savoir où je m’en vais avant même d’avoir débuté, autant en poésie je n’ai aucune idée dans quoi je vais me retrouver. Il y a un saut dans le vide à chaque fois. Quand je me plonge dans l’écriture poétique, j’ai comme l’impression de devoir inventer un langage. Cultiver la métaphore qui invite au rêve, c’est quand même ce qu’il y a de plus beau en poésie. Rapprocher des mots qui, au départ, n’étaient pas faits pour aller ensemble, créer un nouvel espace sémantique, c’est quand même le gros trip derrière l’écriture pour moi. » Un trippeux de mots, quoi. On en redemande!