En un peu plus de 30 ans de carrière, le groupe Men Without Hats a connu d’innombrables incarnations peuplées de multiples personnages. Une seule constante : Ivan Doroschuk. De Rhythm of Youth à No Hats Beyond This Point en passant par Folk of the 80’s (Part III), Pop Goes The World, …In The 21st Century et Sideways, Ivan et ses acolytes ont touché autant à l’électro-pop, à la pop orchestrée et au pop-rock qu’au gros rock à guitares teinté de psychédélisme.

Installé à Victoria en Colombie-Britannique depuis presque dix ans, Ivan s’est essentiellement consacré à son rôle de père au cours des dernières années. Après une absence prolongée de la scène, l’homme ressuscitait Men Without Hats l’an dernier et remontait sur les planches, entouré de jeunes musiciens. « J’étais enfin en mesure de partir sur la route. C’était plus difficile il y a quelques années parce que mon fils était trop jeune. Pour les shows, la demande était là. Puis, mes chansons étaient de plus en plus présentes dans la culture populaire (on a entendu “Pop Goes the World” dans une pub du Fonds de solidarité FTQ et une autre de Tide, puis “Safety Dance” dans la série Glee, entre autres). À chaque fois que j’écoute la radio, j’entends une foule d’influences des années 1980, ce qu’on appelait la new wave et qui est en réalité un produit de la musique progressive et du disco. J’ai senti un intérêt pour le retour à ce son au début des années 2000. Aujourd’hui, on le retrouve partout, » raconte-t-il.

Retour vers le futur
Après une absence sur disque de neuf ans, Ivan vient de faire paraître un nouvel album, Love In The Age Of War. Réalisé par Dave Ogilvie (Skinny Puppy, Marilyn Manson, Images In Vogue) et enregistré au légendaire studio Mushroom à Vancouver, l’opus marque un retour aux sonorités synth-pop eighties des Hommes sans chapeau. « La plupart des morceaux furent écrits après avoir réanimé le projet, l’an dernier. La tournée m’a replongé dans cette ambiance des années 80 et m’a donné le goût d’écrire des chansons. Ça m’a fait voyager dans le temps. On a tenté d’imaginer quel album aurait pu voir le jour après Folk Of The 80’s (Part III) paru en 1984, juste avant Pop Goes The World. On ne voulait pas imiter le son original, mais plutôt arriver avec un son techno-pop moins orchestral. Même si la technologie est avancée et que tout nous est permis aujourd’hui, on a décidé de se limiter à 24 pistes en studio, comme à l’époque. On s’est remis dans cet état d’esprit des années 1980 où tout était joué à la main et où il fallait se concentrer sur chaque son, » avance l’homme de 50 ans.

Parfois personnelles, introspectives (comme le premier single, « Head Above Water »), les chansons du nouveau disque furent teintées par l’expérience d’un divorce. Alors que Doroschuk s’est chargé d’écrire les textes et de composer la musique des dix titres du compact, la nouvelle claviériste Lou Dawson a prêté sa voix à une poignée de morceaux tandis que James Love a joué de la guitare. On pourra même entendre Colin Doroschuk, membre original de la formation et frère d’Ivan, sur quelques chansons. Une méthode de travail particulière pour Ivan? « Règle générale, c’est la musique qui arrive avant les textes. Les thèmes vont venir avec la mélodie. Les mélodies vont inspirer des sons. Les sons vont inspirer des mots. Et les mots vont inspirer des concepts, » précise-t-il.

 « Avec le temps, j’ai appris que faire de la musique, c’était un métier. J’avais du mal à comprendre ce concept au début de ma carrière. C’est de l’artisanat. Ça se travaille méticuleusement. Ce n’est pas que du plaisir. »

On the road again…
Tournage d’un clip pour « Head Above Water », nombreux spectacles cet été en territoire nord-américain, tournée avec les B-52’s et Human League, possibilité d’une escale en Europe à l’automne (la première de l’histoire du groupe), de toute évidence, Ivan n’a pas peur de mettre la main à la pâte et continuera à trimballer sa pop synthétique sur les routes. Mais qu’on se le tienne pour dit : pas question de jouer l’intégrale du nouvel album sur scène. Du moins, pas pour l’instant. « Lorsque j’étais jeune et que j’allais voir des shows, je détestais attendre une heure de musique que je ne connaissais pas avant d’entendre un ou deux hits! Lorsque je suis devenu artiste, je me suis juré de ne jamais faire subir ça à mes fans. Ça a été un plaisir de faire la tournée des greatest hits l’année dernière. C’était la première fois que j’ai pu jouer mon catalogue sans aucune pression. Je n’avais pas d’agenda de compagnie de disques. Rien à promouvoir. C’était juste une question de plaisir. On fera sensiblement la même chose, sauf que je jouerai du clavier cette fois-ci. »

Bien que la route ait été parfois rocailleuse, au fil des ans, pour le clan Men Without Hats, Ivan n’a aucun regret, pas la moindre trace d’amertume. « Avec le temps, j’ai appris que faire de la musique, c’était un métier. J’avais du mal à comprendre ce concept au début de ma carrière. C’est de l’artisanat. Ce n’est pas que du plaisir. Tu sais, je suis très chanceux que les gens écoutent encore ma musique aujourd’hui. Oui, c’est un dur métier, mais les récompenses sont magnifiques. Lors de la dernière tournée, j’ai vu l’étincelle dans les yeux de gens qui avaient mon âge et qui étaient venus avec leurs enfants. On ne peut pas mettre de prix là-dessus. Toute ma vie, je vais conserver ces images dans mon cœur. »